LES BRIGANDS DE LA MONTAGNE LANGROISE.

D'après le contenu d'un dossier des Archives Départementales de la Haute-Marne, série B. Maréchaussée de Langres, affaire Bridat et autres. Voir aussi les articles publiés dans "Cahiers Haut-Marnais" N°25, 2ème trimestre 1951, page 116 (Auteur : A. Garnier de la Société Hist. et Archéol. De Langres), et N°85, 2ème trimestre 1966, pages 70 à 73 (Auteur : Claire Auberive).

En 1784, une véritable panique s'empare des populations de la Montagne Langroise, depuis Bugnières, Giey-sur-Aujon et Dancevoir, jusqu'à La Chaume et Aujeurres. Le vaste massif forestier de Chateauvillain, d'Arc-en-Barrois, et d'Auberive, est infesté de bandits redoutables semant la terreur.

Entre décembre 1783 et juillet 1784, une douzaine de cambriolages et d'attaques à mains armées sont commis.

Le chef de la bande est un nommé François Bridat (originaire de Giey-sur-Aujon, fils de Simon Bridat archiviste à Giey, et de Françoise Lambelot.). Agé d'une quarantaine d'années, François Bridat, ayant été plâtrier, est alors sans profession ni domicile fixe. Entre gens du milieu, ce brigand est surnommé "Le Cagneux" ou "Fanfan". Il est "gros de corps ayant des jambes fort minces". Le brigand est accompagné de sa concubine, jouant tantôt la mendiante, tantôt la fille simple d'esprit, et remplissant à la perfection son rôle de receleuse. Parmi les nombreux complices de François Bridat, on trouve François Bourgeois, 30 ans, natif d' Ormancey, fils d'Antoine et Anne Boisselier, atteint d'une forte claudication, Durney, natif de Chauffour-en-Bassigny, âgé de 40-45 ans, Etienne Rémy, dit "Le Bancal", âgé de 40 ans, évadé des galères (son frère Antoine fut pendu à Paris, son père finit ses jours au bout d'une corde, et son oncle, Antoine Aubriot, connut le gibet), Rompant, fils d'un ancien maître de forges de Gurgy.

C'est fin 1781, que Bridat commence ses méfaits. Parmi eux, celui de la nuit des 15 et 16 mars 1784. Durant cette nuit, les brigands escaladent deux murs pour atteindre la cour de la cure d'Aujeurres. Leur première action est de barricader toutes les portes de la maison avec des bûches et des cordes. Puis, à l'aide de morceaux de bois, ils font sauter un des barreaux de fer défendant la croisée de la chambre ou est couché Gabriel Humblot, curé d'Aujeurres, âgé de 77 ans ( curé d'Aujeurres de 1733 à 1791, originaire, croit-on de Saints-Geosmes, ex - desservant de Balesmes. Il refusa le serment en 1791, et mourut l'année suivante. A gardé dans l'histoire locale le surnom de Castabara , nom de son cheval basque). Les brigands pénètrent avec précipitation dans la chambre où dort le brave curé. Ce dernier est tiré en bas de son lit, frappé sur la tête à coups de bâtons, ses mains sont liées derrière le dos, les jambes aussi sont liées, les yeux sont bandés, et un matelas est jeté sur son corps.

Pendant ce temps, d'autres quidams sont entrés dans la cuisine, située à côté de la chambre où est couché Michel Villemot (1), domestique du curé. Aux cris de son maître, Michel s'est levé, mais il est rapidement terrassé après avoir reçu plusieurs coups de bâton sur la tête lui faisant perdre beaucoup de sang. Sa tête est enveloppée d'une couverture, il est immobilisé à l'aide d'une corde passée autour du cou. Un brigand reste à ses côtés pour le surveiller tout en dégustant le contenu d'un pot de confitures.

Après avoir commencé à fracturer des armoires, les voleurs découvrent une autre personne couchée dans une chambre, Monsieur Carbillet, curé de Prauthoy. Comme les autres victimes, il est immobilisé et mis sous surveillance. Le même sort est réservée à Jeanne Borel, domestique du curé Humblot qui s'est levée pour fuir.

Tous les occupants de la cure étant immobilisés, alors, les brigands fouillent partout, prennent objets et habits qu'ils mettent en tas pour faire leur choix. Le quidam surveillant Michel Humblot s'étant temporairement absenté, le domestique en profite pour se libérer de ses liens, et fuir se cacher dans le grenier de la cure. Constatant l'absence du domestique, et croyant qu'il est sorti pour aller chercher des secours, les brigands prennent la fuite, n'emportant qu'une petite partie des effets et objets préparés.

Vers la fin de l'année 1784, Bridat est arrêté vers Vesoul, alors qu'il essaye de gagner la Suisse. Ultérieurement, d'autres membres de la bande sont appréhendés. Après procès et jugement prévôtal du 21 janvier 1786, François Bridat et Antoine Bourgeois se verront infliger neuf années de galères, un certain Jacques Clergeot sera condamné à être "pendu et étranglé jusqu'à ce que mort s'en suive". La bande ,alors désorganisée, on n'entendra plus jamais parler d'elle.

(1)Michel Villemot est mon Sosa 40, génération 6, né le 24 septembre 1762 à Vivey, décédé le 22 février 1856 à Aujeurres. Il se maria entre 1789 et 1791 avec Dame Didière Cudel, née à Aujeurres le 8 juin 1760, et décédée à Aujeurres le 24 avril 1849. Le couple eut huit enfants dont Jean-Baptiste Villemot (1806-1893), grand-père de ma grand-mère paternelle Céleste Jeanne Renée Villemot (1884-1958).

L'abbé Gabriel Humblot, dit "Castabara", curé d'Aujeurres (1733-1791).

(Les Cahiers Haut-Marnais. N°86. 3ème trimestre 1966. Origine du portrait : Inconnue).

Le curé disposait de quelque fortune, ce qui l'obligeait à se déplacer fréquemment pour administrer ses biens. En ce temps là, les gens aisés voyageaient d'ordinaire à cheval. Chacun, dans la région d'Aujeurres connaissait la monture du curé, une bête de race basque, pétulante, s'appelant Castabara. Si particulière était son allure que, cheval et curé ne voyageaient pas incognito. (d'après les carnets de E. Pernot, transcrits par Claire Auberive dans le Cahier Haut-Marnais N°85, 2ème trimestre 1966, page 72.)

Signature sur un acte de mariage du 26 janvier 1779. "Curé Daujeure".

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